C'est un "texte modeste et pragmatique" selon les dires même du Ministre des Télécommunications, François Fillon, que l'Assemblée a adopté mardi soir en donnant son feu vert à 170 expérimentations françaises. 280 millions de francs ont été prévus au budget de cette année à cet effet. "La France dispose d'atouts déterminants pour réussir son ancrage dans la société de l'information et maintenir sa place dans le peloton de tête des pays innovants : elle montre aujourd'hui qu'elle a la volonté et les moyens de le faire" a expliqué François Fillon ce matin au Forum des autoroutes de l'information organisé au Louvre en présence d'une grande partie des acteurs de cet univers.
Qu'en est il exactement de ce projet de loi ? L'idée est simple : tenter que la France ne reste pas en queue de peloton sur le terrain des autoroutes de l'information. Il y a un an 650 projets ont été présentés et 170 ont été labellisés d'intérêt général lors du comité interministériel du 15 octobre 1995. Outre de nombreuses initiatives locales, trois grands projets nationaux devraient donc être mis en oeuvre : le développement d'un réseau haut débit orchestré par un partenariat France Telecom/Deutsche Telecom, la mise en réseau des établissements scolaires et l'accroissement du débit des réseaux entre centres de recherche et universités. 170 expérimentations qui peuvent paraître fourre-tout de prime abord, surtout quand on sait que tous les supports sont concernés : câble, hertzien, satellite, micro-ondes. François Fillon estime en fait que : "pour conduire notre pays vers cette "nouvelle frontière" que constitue la société de l'information, il convenait de chercher à fédérer les énergies et les compétences, à créer un élan, une dynamique. Rien n'assurait, à la lueur des expériences passées, que la mise en oeuvre à l'initiative du Gouvernement d'un "grand plan" de déploiement des autoroutes de l'information était susceptible de susciter cet élan".
Pas de "grand plan" donc, mais une multitude de tentatives, de tests en temps réel pour laisser le marché prendre seul la bonne direction. Certains bien sur crient à l'autorégulation et aux risques de voir France Telecom déstabilisé plus encore par ces expérimentations. Ne devrait t-on pas au contraire se féliciter que l'administration française pourtant grande habituée des "cadres rigides" laisse pour une fois un peu de latitude aux innovateurs de tous poils. Certes, le budget des autoroutes de l'Information est bien maigre au regard des enjeux ("une révolution dont les conséquences pourraient être du même ordre que celles de l'invention de l'imprimerie" estime comme beaucoup d'autres François Fillon). Mais l'état ne se fait pas trop dirigiste et comment lui reprocher.
Certes la "bataille des règlements" est loin d'être terminée si l'on songe à tout ce qu'il reste à mettre sur pied au plan du droit d'auteur, de la propriété intellectuelle et ... d'une éventuelle censure. Présent ce matin au Forum des autoroutes de l'information, Philippe Rousseau, membre du CSA, a indiqué que, pour sa part, il ne réclamait pas une tutelle du réseau par le CSA, mais qu'en revanche il souhaite voir respecter la "dignité de la personne humaine, la protection de l'enfance et de l'ordre publique à travers la création d'un nouveau droit".
Christian Huitema de l'Inria a preféré évoquer, lui, les limites d'Internet pour affirmer qu'il n'en existait pas. Pour lui, la morale du réseau est limpide : "quand quelque chose vous manque et n'existe pas sur Internet, créez le vous-même ! Personne ne vous le reprochera au contraire". Jim Clark, Pdg de Netscape assis à ses côtés a apprécié en connaisseur. ..